cryptomonnaies-4devises (Crédits: Pexels - Worldspectrum)
L'écosystème crypto entre dans une phase de maturité comparable à celle d'Internet en 2003 : la bulle est derrière, la construction commence. Malgré la volatilité, les fondamentaux (adoption, institutions, infrastructures) n'ont jamais été aussi solides.
Le moment que traverse aujourd'hui l'écosystème crypto ne ressemble ni à un krach durable ni à une remise en cause fondamentale du secteur.
Eliézer Ndinga, directeur de la recherche chez l'émetteur de fonds indiciels 21Shares, y voit au contraire une étape de transition, comparable à la situation du web au début des années 2000, lorsque l'exubérance irrationnelle avait laissé place à une phase plus exigeante, centrée sur l'utilité concrète. “Nous ne vivons pas un effondrement existentiel”, explique-t-il dans une note publiée le 26 novembre. “Nous sommes dans l'équivalent de 2003 pour l'Internet : la bulle est derrière nous, et la construction réelle commence.”
Selon lui, l'un des pièges actuels consiste à comparer l'évolution de bitcoin ou des marchés crypto aux années 2020-2021, une période qu'il qualifie “d'anomalie macroéconomique”. Les mesures de soutien massives déployées pendant la pandémie avaient créé un environnement exceptionnel : des banques centrales qui injectent des milliers de milliards, des populations confinées avec du temps, de la liquidité et peu d'alternatives d'investissement.
Dans ce contexte, tant les actions que la crypto avaient profité d'une spéculation poussée à son extrême, tout comme les NFTs et les memecoins. La purge qui a suivi, marquée par les hausses de taux, les compressions de liquidité et les scandales comme FTX, “un écho de l'affaire Enron en 2001”, glisse-t-il, n'a rien de surprenant et marque selon lui la normalisation d'un marché devenu adulte.
L'adoption atteint 700 millions de personnes dans le monde
Ce retour à l'équilibre s'accompagne d'une amélioration nette des fondamentaux, souvent ignorée à cause de la volatilité récente. Eliézer Ndinga rappelle que l'adoption mondiale dépasse désormais les 700 millions d'utilisateurs (selon une étude récente de Cryptocom), soit environ 10 % de la population connectée à Internet. Un niveau comparable à celui du web en 2003, avec une dynamique particulièrement forte dans les pays émergents.
Parallèlement, l'entrée progressive des institutions confirme le changement de nature du marché. “Plusieurs grandes universités américaines, dont Harvard, détiennent désormais des positions publiques en crypto”, souligne-t-il. La vague des ETF spot et l'essor des entreprises cotées spécialisées dans la construction de trésoreries crypto (les DATs) contribuent elles aussi à structurer un secteur qui s'institutionnalise rapidement.
Le sous-jacent technologique suit la même trajectoire. Pour le responsable de la recherche de 21Shares, les blockchains “ne sont plus du tout les mêmes qu'en 2017 ou qu'en 2021”. Il évoque une montée en puissance spectaculaire, avec des capacités dépassant aujourd'hui les 3 400 transactions par seconde en production, soit davantage que Stripe ou même le Nasdaq lors de leurs pics historiques.
Ce passage du “dial-up” au haut débit ouvre la voie à un nouveau type d'applications, moins dépendantes du narratif et davantage ancrées dans l'économie réelle. La frontière entre fintech et DeFi s'efface à grande vitesse : Stripe utilise déjà les stablecoins comme rail de paiement, Klarna lance son propre dollar numérique, et de nombreuses banques explorent désormais l'infrastructure on-chain comme une extension naturelle de leurs services.
Dans ce paysage en recomposition, les applications grand public représentent selon lui la tendance la plus largement sous-estimée. Des projets comme Polymarket, qui s'impose comme une référence mondiale en matière de prévisions, montrent que la blockchain peut s'effacer derrière l'usage, exactement comme le web l'a fait au début des années 2000. “Ce ne sont pas des promesses. Ce sont des produits qui fonctionnent, utilisés à grande échelle, parfois sans que les utilisateurs sachent qu'ils reposent sur la blockchain”, insiste Eliézer Ndinga.
“À court terme, le marché est une machine à voter ; à long terme, c'est une machine à peser”
Pour expliquer pourquoi le marché peine encore à valoriser ces signaux, il convoque l'une des phrases les plus connues de l'investisseur américain Benjamin Graham, connu comme l'une plus des grands influences de Warren Buffett : “À court terme, le marché est une machine à voter ; à long terme, c'est une machine à peser.”
Le parallèle avec Amazon au lendemain de l'éclatement de la bulle Internet est, selon lui, éclairant : l'entreprise affichait une chute spectaculaire en Bourse alors même que ses fondamentaux n'avaient jamais été aussi solides. La fameuse lettre de Jeff Bezos en 2000 est selon lui “un document clé pour comprendre la crypto aujourd'hui”. Elle rappelait qu'un marché peut voter dans l'émotion, mais qu'avec le temps, seule la substance finit par compter.
C'est exactement ce qui attend le secteur. Dans la prochaine phase du cycle, Eliézer Ndinga estime que la survie et la valorisation des projets dépendront d'une seule chose : leur capacité à générer une activité économique réelle. Les tokens, dit-il, disparaissent rarement ; ce qui disparaît, c'est la valeur lorsqu'elle repose uniquement sur un narratif. Bitcoin, de son côté, bénéficie d'une dynamique plus structurelle, soutenue par sa discipline monétaire, son rôle croissant dans l'environnement géopolitique et l'arrivée progressive des investisseurs institutionnels.
Dans cette lecture, 2025 n'est pas la fin d'un cycle mais l'entrée dans une période de maturité, similaire à celle qu'a connue Internet vingt ans plus tôt. Le marché vote moins. Il pèse davantage. Et pour l'instant, conclut Eliézer Ndinga, la pesée penche clairement en faveur des fondamentaux plutôt qu'en faveur des effets de mode.
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